Tunisie : La cour examine l'appel d'une condamnation à mort contre un citoyen en raison de publications sur "Facebook"

Les juridictions de la cour d'appel de la gouvernorat de Nabeul en Tunisie se préparent à tenir une deuxième séance pour examiner l'appel de la condamnation à mort prononcée contre le citoyen Saber Chouchane, dans une affaire qui a suscité un large débat juridique et des droits de l'homme en raison de publications sur le site "Facebook".
La cour de première instance de Nabeul avait condamné la semaine dernière Chouchane à mort après l'avoir reconnu coupable d'accusations liées à "l'agression contre le président de la République et la sécurité de l'État", où le ministère public lui a reproché "de diffuser de fausses informations visant un fonctionnaire public, de commettre un acte outrageant envers le président de la République, et d'agresser dans le but de changer la forme de l'État" en raison de publications dans lesquelles il critiquait le président Kais Saïed.
Dans ce cadre, l'avocate Leila Haddad, défenseure de Chouchane, a révélé les démarches en cours pour faire appel de la décision. Elle a déclaré dans une déclaration exclusive aux médias ce lundi : "Elle a commencé les procédures concernant la décision de condamnation à mort rendue par la chambre criminelle de la cour de première instance de Nabeul, mercredi dernier, à l'encontre de Chouchane en raison de publications où il critiquait le président tunisien Kais Saïed".
Haddad a ajouté dans sa déclaration : "Elle s'attend à ce qu'une séance de procès d'appel soit fixée pour son client, au cours de laquelle la décision de condamnation à mort, qu'elle a qualifiée de "sans précédent et injuste", sera annulée".
Pour sa part, l'avocat Osama Boutheljah, qui fait également partie de l'équipe de défense de l'accusé, a expliqué les bases juridiques sur lesquelles repose la décision, en soulignant que Chouchane "a été jugé conformément à l'article 72, au décret 54 et à l'article 67", affirmant que "la cour a choisi d'appliquer la peine la plus sévère, à savoir la peine de mort".
La peine de mort est considérée comme exceptionnelle dans les affaires d'opinion, car l'article 72 du code tunisien stipule que "quiconque commet une agression visant à changer la forme de l'État, ou incite les citoyens à s'attaquer les uns aux autres avec des armes et à provoquer le désordre, le meurtre et le pillage sur le sol tunisien, est puni de mort". En revanche, le décret n° 54 prévoit "cinq ans de prison et une amende pour quiconque est reconnu coupable de diffusion de 'rumeurs ou d'informations trompeuses'", avec une peine doublée "si cela concerne la diffusion d'injures contre un fonctionnaire public".
La décision rendue contre Chouchane a suscité une vague de critiques dans les milieux des droits de l'homme, juridiques et médiatiques, qui estiment qu'elle "ne correspond pas à la nature des accusations portées contre lui et constitue un précédent dangereux menaçant la liberté d'opinion et d'expression en Tunisie".
Des avocats et des politiciens ont également affirmé que l'accusé "ne représente aucun danger pour l'État et n'a pas d'influence médiatique ou politique", en raison "de son niveau éducatif limité et du faible nombre de ses abonnés sur les réseaux sociaux", considérant que l'affaire "reflète une escalade dans l'utilisation du décret 54 pour poursuivre les critiques".